Devenir franchiseur à croissance rapide – Seconde partie

Dans l’univers de l’entrepreneuriat, certaines franchises se distinguent par une expansion fulgurante. Mais qu’est-ce qui fait le succès d’une franchise à croissance rapide ? Quels sont les défis et les pièges de cette ascension ? Seconde partie de nos entretiens avec Julien Siouffi, dirigeant de Franchise Board et DG externalisé de franchiseurs à croissance rapide.

ILS EN PARLENT

Gaël Chesné

12/27/20244 min read

Pourquoi se lancer dans la croissance rapide en tant que franchiseur ?  

Julien Siouffi : Pour conquérir un marché, et saisir ainsi une opportunité. La franchise est une activité rentable, dont les clients, les franchisés, sont liés par des contrats de 5 à 10 ans offrant une visibilité sur les revenus du franchiseur hors du commun, et dont les perspectives de développement du réseau sont souvent très significatives, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale. Mais c'est aussi une protection de leur concept : dès que le succès est là, les vocations fleurissent aussi vite que les copies, et le franchiseur sait que le concept va se déployer, mus par d'autres entrepreneurs, s’il n'investit par le marché rapidement. De plus, l'équation patrimoniale de la franchise favorise la croissance rapide : le franchiseur ne possède pas les fonds de commerce qui exploitent son concept. Il doit donc compenser cette perte de valeur par un développement rapide de la société de service franchiseur, parfois doublée d'une centrale d'achat, qui lui ouvre des perspectives de valorisations significatives.

Mais les franchiseurs sont des aussi des entrepreneurs visionnaires, qui agissent par passion. Car je pense qu'en réalité, au-delà de l'enrichissement personnel, devenir franchiseur à croissance rapide est plutôt une vocation : l'ambition de faire rayonner sa marque, le plaisir du partage de la réussite avec de multiples entrepreneurs franchisés.

Quels sont les risques d’une expansion trop rapide ?

Julien Siouffi :  Il y a au moins 3. Le premier risque est financier : si le modèle économique du franchiseur n'est pas pensé pour délivrer le niveau de services attendus par le franchisé, et qu'il n'a pas les moyens financiers et humains de délivrer les services de marque, de formation, d'assistance, de centrale d'achat, de DSI et de communication attendus par le franchisé, le mécontentement des franchisés va monter très vite, car les performances financières et relationnelles ne seront pas au rendez-vous. 

Le deuxième risque, c'est la méconnaissance du métier de franchiseur, c'est à dire du « faire faire ». Si la culture de référence du franchiseur est succursaliste, et qu'il vit dans le contrôle, il va très vite être dépassé par la singularité du lien d'entrepreneur à entrepreneur qui unit le franchiseur et le franchisé, d'autant qu'il n'aura souvent pas anticipé contractuellement et financièrement les sujets clés. 

Le troisième risque, c'est un opportunisme malaisant qui génère des situations toxiques, lié à la signature à tout va de candidats : si la croissance rapide est vue comme une opportunité de court terme, liée à l'encaissement de droit d'entrée par exemple, alors que la relation franchisé-franchiseur est intrinsèquement une relation de moyen terme, si ce n'est de long terme, alors l'insatisfaction des franchisés, qui n'auront pas ce qu'ils attendent, avec une rentabilité décevante, voire inexistante, va très vite bloquer la croissance du réseau, et transformer la belle aventure en cauchemar quotidien. 

Concrètement, que conseillez-vous à un franchiseur ambitieux ?

Julien Siouffi : Être ambitieux sans être inconscient. L'enthousiasme ne suffit pas à réussir l'aventure, même avec des débuts prometteurs : c'est un sprint qui dure le temps d'un marathon, qui doit être pensé et calculé comme tel, du début à la fin de la relation avec le franchisé. Les franchiseurs à croissance rapide doivent être irréprochables sur les aspects fondamentaux de la franchise : la lisibilité de leur modèle économique, la définition de leur périmètre d'action en tant que franchiseur, la sincérité de leurs affirmations, la transparence de leurs informations, la rigueur de leur assistance. A cela, il faut rajouter les contraintes de la croissance rapide :  savoir s'entourer, déléguer, piloter par les chiffres, intégrer l'ensemble des aspects du lien contractuel, forger une communauté de franchisés solide, former aux bonnes techniques ses collaborateurs et partenaires, savoir réagir très vite en cas d'écart opérationnel. Le charisme du dirigeant est un plus, mais au final, c'est surtout la qualité de l'offre aux franchisés qui est déterminante : les avantages concurrentiels qui vont être délivrés aux franchisés sont clairement identifiés et mis en avant. 

« Si la croissance rapide est une opportunité de court terme, il ne faut pas oublier que la relation franchisé-franchiseur est de moyen ou de long terme »

« Pas de cash, et c’est le crash »

Existe-t-il des signaux d’alerte pour détecter un développement trop rapide ?

Julien Siouffi : Oui, plusieurs. La satisfaction des franchisés est toujours au centre des préoccupation du franchiseur à croissance rapide. Il peut par exemple, s’il fait vite, oublier des éléments structurant de la psychologie du franchisé. Souvent, c'est le manque de communication qui est en jeu, plutôt que la bienveillance des parties. Bien sûr, le pilotage des métriques du concept, comme le chiffre d’affaires, le résultat opérationnel, le panier moyen ou le nombre de clients, sont des indicateurs déterminants de la réussite du franchiseur à "faire faire", c'est-à-dire à faire réussir la réitération du concept par les franchisés. La réalité cruelle du marché, c'est qu'une enseigne qui se développe trop rapidement, s'arrête souvent d'elle-même, voire décroit : son attractivité décroit très vite, et donc son développement, et elle quitte l'univers des franchises à croissance rapide. 

Pour finir, comment résumeriez-vous la croissance rapide en franchise ?

Julien Siouffi : Pas de cash, et c'est le crash. La croissance en franchise ne nécessite pas de capitaux initiaux significatifs, mais les flux financiers doivent être parfaitement pensés pour un besoin en fonds de roulement négatif : le franchiseur encaisse les sommes dont il a besoin pour assister le franchisé avant de les dépenser. La franchise, c'est la réitération d'un pilote probant : penser son modèle économique de franchiseur est la première étape d'un projet de développement rapide réussi. 

Trois conseils clés pour réussir en franchise à croissance rapide

  1. Soyez simple : votre modèle doit être pensé pour la duplication

  1. Identifiez vos flux financiers : cash is king, car vos franchisés sont des entrepreneurs exigeants.

  1. Entourez-vous : vous ne maîtriserez jamais seul la multidisciplinarité liée à un développement en franchise à croissance rapide

Cet article s’adresse à tous les futurs franchiseurs qui ambitionnent un développement rapide, rentable et éclairé. 

Une leçon clé : la réussite réside dans l’équilibre entre l'ambition, la préparation et l'action. Une belle aventure pour qui saura maîtriser sa vitesse !