Devenir franchiseur à croissance rapide – Première partie

Dans l’univers de l’entrepreneuriat, certaines franchises se distinguent par une expansion fulgurante. Mais qu’est-ce qui fait le succès d’une franchise à croissance rapide ? Quels sont les défis et les pièges de cette ascension ? Première partie de nos entretiens avec Julien Siouffi, dirigeant de Franchise Board et DG externalisé de franchiseurs à croissance rapide.

ILS EN PARLENT

Gaël Chesné

12/24/20243 min read

Qu’entend-on exactement par « franchise à croissance rapide » ?

Julien Siouffi : Une franchise à croissance rapide, c’est avant tout un réseau qui parvient à se développer à un rythme soutenu, de l'ordre de plusieurs dizaines d'unités par an, et parfois même exponentiel, en augmentant par centaines le nombre de ses franchisés en peu de temps. C'est un segment de notre industrie du savoir-faire particulièrement significatif aux États-Unis, et plus timide, voire timoré, en France, même si nous avons de beaux exemples développement de 0 à 100 franchisés en 3 à 5 ans sur notre marché national. 

« Le principal défi, c’est l’apprentissage des techniques de la franchise »

Quels sont les points communs de ces franchiseurs ?

Julien Siouffi : Il y a trois grands piliers. La première condition, c'est l'opérabilité : il est impossible de développer rapidement un concept qui n'est pas simple à dupliquer. L'expression anglo-saxonne est « Keep It Simple Stupid (KISS) » ; c’est-à-dire « fais le stupidement simplement » à reproduire. Ensuite, il y a un time to market, c'est-à-dire un momentum, où les planètes s'alignent, et le concept du franchiseur répond à une attente mature de son marché cible. Enfin, il y a une stratégie commerciale du franchiseur, c'est-à-dire que l'offre du franchiseur trouve son public d'entrepreneurs franchisés qui « achètent » le concept, qui leur convient parfaitement. 

« En France, on peut saluer les trajectoires de O’Tacos ou Daniel Moquet »

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?

Julien Siouffi : Une des réussites les plus fascinantes du moment, c'est Crumbl. Leur produit est simple – le cookie – et pourtant, ils ont ouvert 1 000 boutiques en 7 ans, en partant de zéro. En fait, c'est avant tout une foodtech, maîtrisant parfaitement les data, avec une expertise spécifique en marketing, notamment les réseaux sociaux ; le tout, sans jamais sacrifier la qualité de son produit, fait maison sur place. Mais Exponential Fitness est aussi exemplaire, avec sa marque Club Pilates, qui a ouvert 1 100 clubs depuis son lancement en 2012, soit quasiment 100 par an. Ses franchisés multisites utilisent leurs bénéfices pour ouvrir de nouveaux clubs, grâce à leur marge opérationnelle de 30%. Ils sont spécialisés sur la clientèle féminine de 35 à 70 ans, dont le marché est peu encombré, mais pour moi, la clé de leur succès est principalement dans les mots de leur président : « je ne peux rien faire pour un franchisé qui ne suit pas le process ». En France, on peut saluer par exemple la belle trajectoire de O'Tacos, ou de Daniel Moquet, à la croissance discrète, mais solide. Dans le passé les coiffeurs français ont réalisé des croissances exemplaires, lorsque leur marché le permettait, ainsi que dans l'immobilier, il y a encore quelques années.

Comment sont organisés ces réseaux ?

Julien Siouffi : Le principal défi est l'apprentissage des techniques de la franchise. Il faut apprendre à diriger, développer, former, animer et communiquer, dans le contexte particulier de la franchise, dans un délai très court. Cela implique que les process soient entièrement digitalisés, la gestion de la relation au client final parfaitement répartie entre le franchisé et leur franchiseur, et la répartition de la création de valeur équilibrée entre le franchisé et le franchiseur. A cette vitesse, il n'y a pas de droit à l'erreur : tout est écrit, tout est processé, tout est contractuel, tout est mesuré. C'est la rigueur et la discipline qui sont déterminantes. Le principal défi organisationnel du franchiseur à croissance rapide, c'est de réunir une équipe de collaborateurs qualifiée, expérimentée dans les techniques de la franchise à croissance rapide, stable humainement, dans un délai très court.

« Des avantages concurrentiels qui gagnent en puissance pour le franchisé à mesure que le réseau grandit »

Quel est le sort des franchisés dans ces réseaux ?   

Julien Siouffi : Ils s'enrichissent financièrement, personnellement et professionnellement. La franchise est un modèle vertueux dans lequel les centres de profit du franchiseur – la marque, la formation, l'assistance (dont la centrale d'achat), la DSI et la communication – sont les avantages concurrentiels du franchisé. Le franchisé va disposer immédiatement d'un concept abouti, d'une assistance éprouvée, et d'un modèle de réussite à reproduire, tout en ne payant qu'une fraction des coûts liés à leur mise au point. Le franchisé est en concurrence avec des indépendants qui doivent financer ces services de back office, et n'ont pas les moyens de lutter : ce qui explique la progression continue de la franchise dans notre économie. 

Plus le réseau grandit, plus ces avantages concurrentiels gagnent en puissance. Et si elle est habilement menée, cette mécanique démultiplie ses effets lors d'une croissance rapide. Souvent, les croissances rapides sont le reflet d'un "pacte" entre le franchiseur et le franchisé, où le franchisé développe à son échelle de multiples sites, avec les bénéfices du premier site, permettant ainsi son propre enrichissement et son épanouissement professionnel et personnel.